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Loi de programmation 2018-2022 : volet consacré aux personnes protégées

Civil - Personnes et famille/patrimoine
27/03/2019
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice impacte les majeurs protégés. Tour d’horizon.
La protection des personnes vulnérables est modifiée par les articles 9, 10, 11, 12, 29 et 30 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. En deux mots, cette loi renforce les droits fondamentaux des majeurs protégés et supprime certaines autorisations judiciaires préalables qui peuvent retarder un acte nécessaire, sans diminuer la protection des majeurs protégés.
 
Absence : la représentation du présumé absent et l'administration de ses biens pourront également à titre exceptionnel et sur décision expresse du juge, être soumise aux règles de l'habilitation familiale si le représentant est une des personnes mentionnées à l'article 494-1 ; autre nouveauté, en cas d'opposition d'intérêts entre le représentant et le présumé absent, le juge des tutelles autorise le partage, même partiel, en présence du remplaçant désigné conformément à l'article 115 (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 9, JO 24 mars ; C. civ., art. 113 ; C. civ., art. 116).

Protection juridique des majeurs : La personne chargée de la mesure de protection ne peut pas procéder à la clôture des comptes ou livrets ouverts, avant le prononcé de la mesure, au nom de la personne protégée. Elle ne peut pas non plus procéder à l'ouverture d'un autre compte ou livret auprès d'un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public ; lorsque le procureur de la République est saisi par une personne autre que l'une de celles de l'entourage du majeur énumérées au premier alinéa de l'article 430, la requête transmise au juge des tutelles comporte en outre, à peine d'irrecevabilité, les informations dont cette personne dispose sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu'il y a lieu de protéger et l'évaluation de son autonomie ainsi que, le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès d'elle ; la nature et les modalités de recueil des informations sont définies par voie réglementaire ; le procureur de la République peut solliciter du tiers qui l'a saisi des informations complémentaires (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 9, JO 24 mars ; C. civ., art. 427 ; C. civ., art. 431).

Effets de la curatelle ou de la tutelle : extension de l'assistance de la personne chargée de la protection : le juge ou le conseil de famille peut autoriser le tuteur à représenter l'intéressé, y compris dans le cadre d’une habilitation familiale et y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 9, JO 24 mars ; C. civ., art. 459).

Modalités de gestion du patrimoine : sous sa propre responsabilité, le tuteur peut inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont il demande le concours ; est également prévue l’hypothèse dans laquelle le tuteur conclut un contrat avec un tiers pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée : dans ce cas, il choisit le tiers contractant en considération de son expérience professionnelle et de sa solvabilité ; Le tuteur peut toutefois, sans autorisation, placer des fonds sur un compte ; en cas d'opposition d'intérêts avec la personne chargée de la mesure de protection, le partage à l'égard d'une personne protégée peut être fait à l'amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge ; aucune autorisation n'est requise pour les formules de financement d'obsèques mentionnées à l'article L. 2223-33-1 du Code général des collectivités territoriales souscrites sur la tête d'un majeur en tutelle ; enfin, le gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier, dans un objectif d'harmonisation et de simplification, les dispositions fixant les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d'un majeur qui fait l'objet d'une mesure de protection juridique et, selon les cas, intervenant en matière de santé ou concernant sa prise en charge ou son accompagnement social ou médico-social (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 9, JO 24 mars ; C. civ., art. 500 ; C. civ., art. 501 ; C. civ., art. 507).

Mariage et divorce de la personne protégée : Les autorisations préalables sollicitées auprès du juge des tutelles en matière de mariage ne seront plus nécessaires ; contrôle a priori exercé par le juge sera désormais substitué un droit d’opposition de la personne chargée de la protection ; le tuteur ou le curateur peut former opposition, dans les conditions prévues à l'article 173, au mariage de la personne qu'il assiste ou représente ; la personne chargée de la mesure de protection est préalablement informée du projet de mariage du majeur qu'il assiste ou représente ; par dérogation, la personne en charge de la mesure de protection peut saisir le juge pour être autorisée à conclure seule une convention matrimoniale, en vue de préserver les intérêts de la personne protégée ; dans l'instance en divorce, le majeur en tutelle est représenté par son tuteur et le majeur en curatelle exerce l'action lui-même, avec l'assistance de son curateur. Toutefois, la personne protégée peut accepter seule le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci ; si une demande de mesure de protection juridique est déposée ou en cours, la demande en divorce ne peut être examinée qu'après l'intervention du jugement se prononçant sur la mise en place d'une telle mesure de protection. Toutefois, le juge peut prendre les mesures provisoires prévues aux articles 254 et 255 (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 10, JO 24 mars ; C. civ., art. 500 ; C. civ., art. 175 ; C. civ., art. 249 ; C. civ., art. 249-1 ; C. civ., art. 460 ; C. civ., art. 1399).

Droit de vote : restitution immédiate du droit de vote aux majeurs en tutelle : le majeur protégé exerce personnellement son droit de vote pour lequel il ne peut être représenté par la personne chargée de la mesure de protection le concernant ; il ne peut donner procuration qu’à l'une des personnes visées par le nouvel article L. 72-1 du Code électoral (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 11, JO 24 mars ; C. élect., art. L. 72-1).

Renouvellement des mesures de tutelle et de curatelle : dans le cas d'une mesure renouvelée pour une durée comprise entre dix et vingt ans avant l'entrée en vigueur de la présente loi, cette obligation n'a pas lieu d'être avant la fin de ladite mesure dans le cas où un certificat médical produit lors de ce dernier renouvellement a indiqué qu'aucune amélioration de l'état de santé du majeur n'était envisageable (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 12, JO 24 mars ; modifie l'article 26 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015).

Primauté du mandat de protection future : l’anticipation de sa propre vulnérabilité prime sur les mesures de représentation légale ou judiciaire (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 29, JO 24 mars ; C. civ., art. 428 ; C. civ., art. 483).

Habilitation familiale : élargissement de l’habilitation familiale aux hypothèses d’assistance : possibilité pour le juge, d’ajuster la protection en fonction des besoins de la personne vulnérable, à savoir prononcer une habilitation familiale ou une mesure plus contraignante ; il est désormais prévu que si elle accomplit seule un acte dont l'accomplissement nécessitait une assistance de la personne habilitée, l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 29, JO 24 mars ; C. civ., art. 494-1 ; C. civ., art.  494-3 ; C. civ., art.  494-5 ; C. civ., art.  494-9).

Inventaire et tutelle : dès le prononcé de la mesure, s’il l’estime nécessaire, le juge pourra désigner un huissier, un commissaire-priseur judiciaire ou un notaire en vue de procéder à l’inventaire mobilier dans les trois mois qui suivent l’ouverture de la mesure de tutelle (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 30, JO 24 mars ; C. civ., art. 503).

Compte de gestion annuel des mineurs sous tutelle : le tuteur soumet au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance un compte de gestion annuel, accompagné des pièces justificatives, en vue de sa vérification ; le subrogé tuteur vérifie le compte avant de le transmettre avec ses observations au directeur des services de greffe judiciaires ; le directeur des services de greffe judiciaires peut être assisté dans sa mission de contrôle des comptes et le juge peut décider que la mission de vérification et d'approbation des comptes dévolue au directeur des services de greffe judiciaires sera exercée par le subrogé tuteur (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 30, JO 24 mars ; C. civ., art. 512 ; C. civ., art. 511).

Vérification et approbation du compte de gestion des majeurs sous tutelle : un nouveau dispositif de contrôle des comptes de la personne protégée est mis en place, pour garantir son effectivité, l’intervention du juge restant nécessaire en cas de difficultés ; son approbation est réalisée annuellement par le subrogé tuteur lorsqu'il en a été nommé un ou par le conseil de famille lorsqu’il est fait application de l’article 457 du Code civil. Lorsque plusieurs personnes ont été désignées dans les conditions de l'article 447 de ce même Code pour la gestion patrimoniale, les comptes annuels de gestion doivent être signés par chacune d'elles, ce qui vaut approbation. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l'une des personnes chargées de la mesure de protection (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 30, JO 24 mars ; C. civ., art. 512 ; C. civ., art. 513).

Dispense d’établissement du compte de gestion : à titre dérogatoire, le juge peut décider de dispenser le tuteur de soumettre le compte de gestion à approbation en considération de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée. Si la tutelle n’a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, le juge peut le dispenser d’établir le compte de gestion (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 30, JO 24 mars ; C. civ., art. 513).

Mission de vérification du compte de gestion : la personne assurant la vérification et l’approbation des comptes peut faire usage du droit de communication prévu par l’article 510 du Code civil (relatif aux sollicitations bancaires), sans que le secret, professionnel ou bancaire, puisse lui être opposé. Celle-ci est tenue d’assurer la confidentialité du compte de gestion ; à l’issue de sa mission de vérification, elle doit verser, sans délai, un exemplaire au dossier du tribunal ; dans l’hypothèse d’un refus d’approbation des comptes, le juge est saisi par un rapport de difficulté et statue sur la conformité du compte (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 30, JO 24 mars ; C. civ., art. 513-1).

Entrée en vigueur : les dispositions relatives à la désignation d’un professionnel qualifié pour assurer la vérification et l’approbation des comptes entreront en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2023 (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 109, JO 24 mars). Hormis cette exception, les autres mesures énoncées ci-dessus sont entrées en vigueur immédiatement.
Source : Actualités du droit