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Kafala et notion de « descendant direct » devant la CJUE

Civil - Personnes et famille/patrimoine
27/02/2019
L’avocat général propose à la Cour de justice de déclarer qu’un mineur pris en charge dans le cadre du régime de la kafala algérienne par un citoyen de l’Union ne peut pas être considéré comme un « descendant direct » de ce citoyen.
En l’espèce, deux conjoints de nationalité française, résidant au Royaume-Uni, demandent aux autorités britanniques un permis d’entrée pour une mineure algérienne, en qualité d’enfant adopté. En effet, l’enfant leur a été confiée par les autorités algériennes dans le cadre du régime de la kafala.
Devant le refus opposé par les autorités d’accorder ce permis, la Cour suprême du Royaume-Uni demande à la Cour de justice, si la directive sur la libre circulation (Dir. n° 2004/38/CE, 29 avr. 2004, JOUE 30 avr. 2004, L 158) permet de considérer la mineure comme un « descendant direct » des personnes qui l’ont recueillie en kafala.

Dans ses conclusions devant la Cour, l’avocat général rappelle que la directive prévoit deux voies pour qu’un enfant qui n’est pas citoyen de l’Union puisse entrer et séjourner dans un État membre en compagnie des personnes avec lesquelles il mène une « vie familiale » : dans le cas des descendants directs, la continuité de la vie familiale est pratiquement automatique ; dans le cas de tout autre membre de la famille à charge ou qui fait partie du ménage du citoyen de l’Union, un examen préalable de la situation est exigé.

Or, il estime que ne peut pas être considéré comme le « descendant direct » d’un citoyen de l’Union, au sens de la directive, un enfant qui se trouve seulement sous sa tutelle légale au titre de l’institution de la kafala, en vigueur en Algérie, institution qui ne crée pas de liens de filiation et qui n’est pas équivalent à l’adoption, explicitement interdite dans ce pays. Cette notion de descendant direct doit donc, selon lui, être réservée aux seuls enfants dont la filiation avec un citoyen de l’Union a été établie.
L’avocat général ajoute que la notion de descendant direct de la directive, en tant que sous-catégorie spécifique des « membres de la famille », est une notion autonome en droit de l’Union, qui doit faire l’objet d’une interprétation uniforme.
En outre, pour l’avocat général, l’exclusion de l’enfant recueilli en kafala de la voie des descendants directs ne constitue pas une menace pour le déroulement de la vie familiale, dès lors que l’alternative (octroi d’un permis de séjour subordonné au contrôle du fait que le mineur est à charge ou fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour) n’empêche pas l’enfant de bénéficier d’une protection juridique réelle de cette même vie familiale. Ainsi, faute de lien de filiation un mineur pris en charge dans le cadre du régime de la kafala algérienne par un citoyen de l’Union ne peut pas être considéré comme un descendant direct de ce citoyen. Cependant, l’État membre de résidence de ce citoyen doit favoriser, après évaluation, l’entrée et le séjour du mineur sur son territoire.
Source : Actualités du droit