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Le droit commun au secours de la préservation de la volonté de l’artiste

Civil - Personnes et famille/patrimoine
29/01/2019
L’action en révocation de la donation consentie par un peintre n’est pas une prérogative de l’attributaire du droit moral du défunt artiste mais de chacun des héritiers.
Un artiste peintre a fait don de quatorze de ses œuvres à une association. La donation a été consentie avec la charge suivante : « ces œuvres ne pourront en aucun cas être revendues et qu’elles ne pourront être utilisées que pour des accrochages ou des expositions à caractère non commercial et non publicitaire ».
L’artiste est décédé laissant à sa succession son épouse et ses cinq enfants. L’épouse a bénéficié de l’attribution intégrale de la communauté universelle comprenant les biens meubles immeubles ainsi que l’usufruit des droits patrimoniaux de l’artiste. Le droit moral ainsi que la nue-propriété des droits patrimoniaux ont été dévolus aux cinq enfants.
Quatre années après, une des œuvres, objet de la donation, a été mise aux enchères. L’épouse a diligenté une saisie-revendication avant la vente et assigné l’association en révocation de la donation pour inexécution des charges, les enfants étant intervenus postérieurement à l’instance.
Les juges du fond ont rejeté la demande au motif que l’épouse n’avait pas qualité pour introduire la demande en révocation. La cour d’appel considère, en effet, par le jeu de la dissociation de la matérialité du tableau et du droit moral de l’artiste que la demande relevait de ce dernier droit qui a été dévolu aux enfants.
La Haute juridiction censure la décision rendue en appel au visa des articles 953 et 954 du Code civil par un attendu de principe :
« Attendu que l’action en révocation d’une donation pour inexécution des charges peut être intentée par le donateur ou ses héritiers ».
Et poursuit :
« Qu’en statuant ainsi, alors que la donation portait sur des biens corporels, dont l’action en révocation pour inexécution des charges engagée par (l’épouse) tendait à la restitution, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La Cour de cassation considère que l’action en revendication découle de l’acte de donation qui porte sur des biens corporels et à ce titre ne relève pas du droit moral. Aussi, l’épouse en sa qualité d’héritière était fondée à agir en révocation de la donation pour inexécution des charges.

Pour aller plus loin, voir Le Lamy droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, étude 292.
Source : Actualités du droit